Depuis 3 semaines, je prends des cours d’escrime. J’ai tout pour être discriminée :
- je suis une des rares filles;
- je n’étudie (et n’étudiais) pas au cégep où se donne les cours;
- je suis par conséquent plus vieille que la majorité des élèves;
- je n’avais pas la moindre connaissance à propos de ce sport, il y a 3 semaines;
- je suis donc la plus « newbie » du groupe;
- et bien sûr, la plus poche...
Mais qu’à cela ne tienne, je poursuis vaillament ma découverte et... j’adore ça ! En fait, je m’amuse comme une folle. Je me demande si j’ai déjà dit cela à propos d’une activité physique auparavant...
Malgré mon grand perfectionnisme, je ne me prends pas au sérieux. D’ailleurs, je répète à qui mieux mieux que je suis poche ! Au point que les gens ne cesse de me répéter que c’est normal, de me donner le temps, etc... Mais je sais ! Ils ne comprennent pas que, pour une des rares fois de ma vie, ça n’a aucune importance que je sois poche ou pas... Loin de me décourager, je rie énormément pendant le cours. Je fais des erreurs de débutant franchement ridicules et j’apprends.
Mon maître d’arme dit que je m’améliore rapidement. J’espère ! Je pars de si loin que ce serait dur de faire autrement... Dès mon premier mouvement, je suis passée de 0 et 100% d’augmentation de mes connaissances dans le domaine !
Oui, j’apprends énormément et pour le plaisir. Mieux, ce sont mes adversaires – surtout les plus coriaces – qui m’enseignent et m’aident le plus !
L’escrime est un contraste si flagrant avec tout ce que j’ai toujours connu... C’est rafraîchant. Énergisant et reposant aussi. Au point qu’à la fin de mon heure et demie, j’en prendrais encore une heure, moi ! Tout ça me change de l’école. De ma vie, même !
Même si je n’y connaissais rien, l’escrime était un choix conscient. J’avais un feeling que c’était un sport pour moi : précis, cérémonieux, classique... Derrière le masque, il est aussi plus facile de se laisser aller. Je voulais apprendre à me défendre...
Mais en fait, je n’en ai pas besoin. Me défendre est instinctif; je pare les coups sans même y penser. J’ai compris que c’est autre chose que je vais aller chercher dans l’escrime...
J’apprends à riposter. J’apprends à attaquer, à aller au devant de l’autre et pas simplement me protéger. Je crée la situation plutôt que de subir celle dicter par les autres.
Dans ce cours, je me place volontairement en situation d’inconfort. Et j’apprends.
Avant le cours, je suis souvent malade. J’angoisse, j’ai chaud, j’ai froid, j’ai mal au cœur, au ventre... Je pense à retourner chez moi. Je pourrais me sauver... mais je reste. Parce qu’une fois dans l’activité, tout va comme sur des roulettes. Je regagne tranquillement ma concentration et mon calme. Peu à peu, j’oublie tout le reste et je m’amuse, simplement.
J’ai énormément de difficulté à attaquer. Souvent, je ne termine pas mes mouvements, j’arrête juste avant la touche... Au dernier cours, mon adversaire faisait exprès pour me laisser toucher. Il baissait son fleuret, avançait le torse... une ouverture immense, atteignable d’un simple coup droit; l’enfance de l’art... Et pourtant, je n’y arrivais pas. Incapable de toucher quelqu’un qui ne se défend pas… J’arrêtais; c’était trop facile. Irréaliste. Pendant le combat, il m’encourageait : « Vas-y ! Ne t’inquiète pas, ça ne me fait pas mal... Allez, touche ! » Il ne parait presque plus. Le combat s’est transformé en exercice. Pas un exercice de technique; un exercice de volonté...
Un excellent prof... Et autant j’avais peur de lui – techniquement; personnellement, il est trop fin ! – au début, autant j’ai hâte de me battre à nouveau contre lui. Je veux lui montrer que son enseignement porte fruit et que je suis capable !
Je crois que ça prend beaucoup d’humilité pour être escrimeur. On se fait taper dessus, oui, mais surtout on accepte de se faire taper dessus pour prendre la chance de faire un point. Le mouvement est ainsi fait qu’on s’ouvre complètement à l’adversaire lorsqu’on tente une touche. (Du moins, au niveau où je suis rendue...) C’est peut-être ce qui me rebute à faire mes touches. Inconsciemment, je me dis : « Si je tente une touche, il va répliquer et me toucher tout de suite. » Et je sais pertinement que si je le manque, l’adversaire, lui, ne me manquera pas !